Comment la période de pré-vendanges influence-t-elle la date de récolte et la qualité du champagne Abelé 1757 ?
« Nous sommes au mois d’août, période estivale et dernière étape avant les vendanges en Champagne. Un moment de contraste entre un calme apparent dans le vignoble. Il y a très peu de travaux viticoles, mais une très forte activité de la vigne et de son métabolisme. Une étape où la vigne consacre l’intégralité de son énergie à charger les baies de raisin en sucre et à développer leur potentiel aromatique.
C’est également le début d’un travail long et fastidieux d’observation, d’analyse et de dégustation. Quelques semaines avant le début des vendanges en Champagne, nos vignerons partenaires font le tour de leurs parcelles de manière bihebdomadaire afin d’observer l’évolution de la vigne. Ils étudient les grappes, les raisins, leur taille, leur conformation… Mais aussi la coloration et la souplesse des baies sont scrutées au fur et à mesure de la maturation.
C’est aussi le moment de la dégustation des baies. Une étape très importante que j’affectionne beaucoup et qui me permet de suivre les grandes étapes du développement aromatique. En fonction du cépage que l’on déguste, on découvre en premier lieu des arômes végétaux et de citron vert, puis des arômes fruités, pour terminer sur les fruits mûrs tels que les fruits jaunes ou rouges. C’est à ce moment précis, lorsque le fruit est bien mûr, avec un beau chargement en sucre et une acidité qui s’est maintenue, qu’il est possible de déterminer la date de la vendange.
Les premières dégustations de baies semblent montrer un développement aromatique un peu plus rapide que lors des années de canicule et de sécheresse de 2018, 2019 ou encore 2020. Cela implique une maturité aromatique qui arriverait à un degré plus précoce. Donc cela nous permettrait de cueillir les raisins un peu plus tôt pour préserver leur fraîcheur.
Quelles sont vos relations avec les vignerons partenaires de la Maison Abelé 1757 ?
« La période de pré-vendange me permet d’échanger avec nos livreurs. Nous abordons notamment les problématiques rencontrées tout au long de la campagne viticole, comme la baisse d’acidité et l’évolution du botrytis. Un temps de partage qui nous permet d’anticiper et de nous préparer, le cas échéant, aux différentes voies de vinification qui me permettront de toujours développer la meilleure qualité pour les champagnes Abelé 1757. »
La date des vendanges varie-t-elle selon les terroirs de la Champagne ?
« Chaque cru, chaque terroir, chaque cépage, chaque parcelle a son développement et son propre rythme de maturation. C’est l’un des piliers dans la création des Champagnes Abelé 1757 : travailler une maturation optimale par cépage, pour réaliser les plus beaux assemblages.
Le Pinot Noir va développer une structure avec une grande finesse et un fort potentiel fruité, notamment les fruits rouges et les épices. En fonction des terroirs, le Chardonnay va exprimer des arômes de fruits jaunes, voire de fruits exotiques. Le Meunier va garder beaucoup de fraîcheur lorsque la date de récolte est bien sélectionnée. Une fraîcheur extrêmement importante que l’on encapsule lors de l’assemblage du Brut Abelé 1757.
Et pour que chaque cépage puisse atteindre ce niveau de développement aromatique et cette structure, la dégustation des baies est essentielle. C’est elle qui va nous permettre de sélectionner le moment où la maturité aromatique et phénolique est optimale.
Le point important est d’arriver à sélectionner la bonne date des vendanges en fonction du terroir de Champagne qui s’exprimera dans les vins clairs.
Pour le Chardonnay par exemple. Que l’on soit en Côte des Blancs ou dans le Vitryat, il faut obtenir une diversité qui soit représentative de ces terroirs : la minéralité, la fraîcheur et la dimension florale de la Cote des Blancs. La gourmandise, les fruits exotiques et les fruits jaunes bien mûrs du Sézannais. »
Votre travail est-il identique d’une année sur l’autre ?
« Chaque année, les cartes sont rebattues et le rythme change. Il faut recommencer cet exercice. Donc on doit passer en revue l’ensemble des parcelles et reconstruire le circuit de cueillette en fonction des secteurs. Il faut partir du principe que ce qui a été fait l’année dernière n’est pas forcément valable pour cette année.
Par exemple, l’année 2023 vient de battre un nouveau record avec des grappes dont la taille est extraordinaire. Qui dit année extraordinaire, dit année de questionnement. Nous n’avons aucune visibilité d’un point de vue qualitatif sur l’évolution de cette récolte. Par expérience, la taille des grappes influe sur le niveau d’acidité. Elle agit également sur l’extraction de couleurs des rosés d’assemblage et de macération.
Dernier point et non des moindres : le botrytis, grand ennemi des vignerons. L’arrivée de la pourriture grise sur les raisins, de par un été relativement humide, a créé de nombreux foyers sur l’ensemble du vignoble champenois. C’est un point de grande vigilance qui nous demandera d’être extrêmement rigoureux au moment de la cueillette pour faire le tri à la vigne, dans les centres de pressurage et bien sûr à la réception en cuverie. Et ce, afin de toujours sélectionner la meilleure qualité pour réaliser les assemblages de la Maison. »
Est-ce que le climat des dernières années influe sur la maturité ?
« L’évolution de la maturité dans le vignoble champenois sur les dernières années est assez clair. Au début des années 2000, le nombre de jours entre la fleur et la vendange oscillait autour de 100 jours en Champagne. Entre 2010 et 2015, ce temps s’est réduit pour passer à 90 jours. Lors des dernières vendanges, nous étions à 85 jours, voire un peu moins.
Le cycle végétatif se raccourcit notamment lors de la période de maturation. Nous découvrons de nouveaux comportements métaboliques. C’est-à-dire des charges en sucre plus rapide et une déconnexion par rapport au long développement des arômes et de la partie phénolique. Ces observations nous permettent, en complément de la dégustation de baies qui reste incontournable, de déterminer la date idéale pour la récolte. »
En quoi le secteur des Riceys est-il si particulier ?
Le secteur des Riceys est le terroir le plus vaste et le plus complexe de la Champagne. Façonnés au fil des siècles par l’érosion, ses coteaux abritent la vigne depuis l’époque Gallo-romaine. Ici, le Pinot Noir est roi. Il s’exprime à merveille grâce à la composition unique de son sous-sol. Il s’agit d’un mélange de calcaires et de marnes calcaires du Kimméridgien avec une belle proportion d’argile (20 %).
Ses coteaux, exposés plein sud, révèlent des caractéristiques très proches du Sancerrois ou de la Côte de Nuit dans le nord de la Bourgogne. Combiné à un climat plutôt continental, chaud et sec, ce terroir bénéficie d’une maturité exceptionnelle.
Mais ce qui fait en grande partie la réputation des Riceys, ce sont ses vins de couleur à l’image des rosés de macération et des vins rouges. Un savoir-faire et une qualité extraordinaire qui ont permis le développement de cette appellation unique en Champagne : le Rosé des Riceys.
Quelle relation entretient la Maison Abelé 1757 avec les Riceys ?
Depuis le début des années 50, les Pinots Noirs des Riceys entrent dans l’ensemble des assemblages des Champagnes Abelé 1757. De manière plus précise, ce cépage compose l’intégralité des cuvées Sourire de Reims rosé millésimé. Un Blanc de Noirs élaboré uniquement lors des grandes années. Une cuvée d’exception que nous conservons plus d’une dizaine d’années en cave, avant dégorgement et commercialisation.
Pour parvenir à obtenir cette teinte si singulière, nous procédons à une macération qui dure entre 48 et 72h en fonction des millésimes. Au fur et à mesure des années, ce grand vin de Champagne va développer des arômes typiques. C’est-à-dire des notes de fraise, de framboise et d’épices douces comme le poivre blanc, la réglisse et la cannelle. En fait, c’est grâce à un très long vieillissement en cave que la bulle devient extrêmement fine et délicate. En bref, c’est une cuvée à destination des amateurs de pur Pinot Noir.
